Article rédigé le 23 juin 2018


Economies et code du travail en entreprise : quelle place pour l'humain ?

A travers ma dernière expérience personnelle, je m'interroge sur la confiance dans le monde de l'entreprise, entre le code du travail, les règles internes, la valeur travail, les relations humaines...

 

Voici donc une description de ma dernière expérience, en espérant que cela reste un cas isolé, et que d'autres partageront des expériences plus positives afin de prouver que le monde de l'entreprise n'est pas si noir.

 

 

Merci par avance de votre lecture !

 

Au revoir, donc, Le Pays Briard puisque ma mission, contre toute attente et pré-annonce, prend fin dans quelques jours.

 

En septembre 2017, lors de mon entretien de candidature, malgré mon expérience (mais après 16 mois de chômage, il faut savoir être humble), j'ai postulé comme journaliste. Grâce à mon profil, on m'a embauché comme rédacteur en chef adjoint pour un CDD de trois mois.

 

Au bout de dix jours, j'ai dû endosser - au pied levé - le rôle de rédacteur en chef par intérim (j'ai, du coup, signé un nouveau CDD de six mois fin décembre 2018) et en quelques semaines, grâce à la mise en place d'une re-mobilisation des équipes, d'un dialogue constructif, d'une présence sur le terrain, nous avons réussi à obtenir quelques pics de vente positifs dans des secteurs où la presse locale trouve de moins en moins son public.

 

Dans les mois suivants, les ventes sont repassées dans le positif, une situation que le titre n'avait pas connu depuis des années... Cela, grâce aussi à une politique simple : travailler en équipe et se mettre, tous ensemble, à la place de notre public.

 

En l'occurrence, proposer à nos lecteurs de vrais sujets locaux, les belles histoires, les initiatives locales, les événements insolites qui se passent chez eux et dont les médias nationaux ne s'intéressent pas forcément car il y en a d'autres ailleurs et qu'ils mettent rarement les pieds au-delà du périphérique.

 

Suite au retour du rédacteur en chef, on m'a confié la gestion du site web et des réseaux sociaux, avec une progression de + 180 % en deux mois (et l'atteinte des objectifs prévus fin 2018 avec sept mois d'avance).

 

L'occasion aussi de toucher une autre cible, plus jeune, et, en synergie, les attirer vers notre support papier, ce qui a aussi permis de regagner des lecteurs...

 

 

Il n'y a pas de recette miracle :

Cela m'a demandé beaucoup d'énergie, d'investissement, de travail, de dialogue, de persuasion... mais la confiance de mon supérieur (que je tiens à remercier pour cela et aussi pour son soutien toujours actif) et les bons résultats, grâce à la remotivation de mon équipe qui m'a patiemment suivi (et je les remercie aussi : Pierre, Thomas, David, Margaux), ont constitué pour moi un bon moteur pour faire évoluer ce journal et m'ont même procuré du bonheur au travail.

 

A l'issue du grand séminaire annuel de Nantes, les 6 et 7 juin derniers, où comme tous les nouveaux arrivants ou promus de l'année, je me suis levé après avoir été présenté, j'ai eu le privilège d'être reçu en entretien privé par le numéro 1 de Publihebdos, la filiale de mon Groupe de presse ; Sipa Ouest-France.

 

Il m'a félicité pour le travail effectué et les résultats qui en ont découlé, pour mon engagement, pour mon adhésion à ses projets d'avenir. Par conséquent, il m'a souhaité la bienvenue en CDI pour le 1er juillet, m'indiquant que le groupe avait besoin de profils comme le mien et de mes compétences pour effectuer de grandes mutations et préserver son avenir.

 

Le droit du travail est ce qu'il est : deux CDD successifs doivent obligatoirement déboucher sur un CDI et les entreprises doivent l'appliquer, cela est indiscutable...

Hors, c'était sans compter les nouvelles directives de Sipa Ouest-France, pour qui, quel que soit le profil d'un collaborateur et de ses résultats, certaines règles ne souffrent d'aucune exception. Notamment celle d'avoir deux cadres dirigeants en CDI au sein d'une petite rédaction, une règle qui n'est pas dans le droit du travail mais qui est interne dans le groupe.

 

En l'espace de douze jours, la situation s'est donc retournée : j'ai eu les regrets de mon N+1, les excuses du numéro 2, qui n'a pas anticipé ces "nouvelles règles internes"...

 

Je crois à la valeur travail, à la loyauté, à la sincérité, à l'engagement, à l'avenir... mais mon embauche en CDI en tant que rédacteur en chef adjoint (qui n'aurait rien coûté de plus pour le groupe puisque je l'étais déjà en CDD et qu'aucune négociation salariale n'a été effectuée) n'a finalement pas été possible.

 

La raison, parce qu'un cadre (en l'occurrence le rédacteur en chef) est déjà présent en CDI, ce qui jusque-là (tant que j'étais en CDD) ne posait pas de problème !

 

Voici pourtant ce qu'indique la page d'accueil du groupe qui m'a employé : "Le groupe emploie aujourd’hui 930 salariés dont 270 journalistes et collabore avec 1 000 correspondants locaux de presse. En croissance permanente, il favorise le développement des carrières et les évolutions professionnelles internes."

 

Je crois à la valeur travail, à la loyauté, à la sincérité, à l'engagement, à l'avenir... mais mon embauche en CDI (qui n'aurait rien coûté de plus pour le groupe) n'a finalement pas été possible parce qu'un cadre en CDI est déjà présent !

 

Mais pourquoi un groupe "en croissance permanente, qui favorise le développement des carrières et les évolutions professionnelles internes", n'est pas capable de conserver un "bon" élément, ni même de le "caser" ailleurs s'il y a 930 postes existants et des perspectives de création de postes à l'avenir, notamment pour être dans le wagon de "la grande transformation du web" ?

 

Ainsi, après des années de "galère", des mois d'effort et de travail, je me retrouve une nouvelle fois, à 45 ans et à quelques mois d'être papa pour la seconde fois, au chômage ! Cela arrive à beaucoup, mais là, ce n'était vraiment pas prévu d'autant que l'on m'a fait plus qu'espérer le contraire.

 

J'ai de nombreux message de soutiens, internes et externes :

"Tu vas rebondir parce que tu es quelqu'un de bien !"
"Ceux qui ont travaillé avec toi savent que tu es un excellent journaliste et quelqu'un sur qui on peut compter dans une rédaction"
"C’est vraiment dommage car il commençait à y avoir une belle équipe ! Quel gâchis."
"Vu que le motif n'est pas en lien avec la qualité de ton travail, ils peuvent peut-être activer leur réseau et te filer un coup de pouce. Non ?"

J'avoue ne pas comprendre et, sans être en colère, je trouve cela injuste (par rapport au discours que l'on m'a tenu) et abrupt (en dix jours, je passe d'une belle perspective d'avenir au chemin qui mène vers la porte) !

 

Il y a toujours plus à plaindre que moi et je ne demande pas la pitié. Je voudrais juste que quelqu'un me prouve qu'il y a des exemples d'entreprises où l'on peut encore travailler en confiance.

 

 

Publier cet article est-il inélégant de ma part ?

 

Sans doute pas plus que le retournement de situation que j'ai subi, non ? Et mon métier est d'informer, pas de désinformer, et je n'ai pas déformé la réalité de la situation, je l'ai juste présentée et divulguée, en tant que journaliste indépendant puisque l'on me repropulse sur le chemin du free-lance.

 

Et, croyez-le, je décris cette situation sans rentrer dans d'autres détails (que ma hiérarchie connaît mais qui n'ont pas besoin d'être étalés sur la place publique) que ma déontologie m'interdit de dévoiler.

 

Beaucoup d'entre elles m'ont d'aileurs avoué ne pas comprendre non plus cette situation et déclaré "subir" avec regret mon départ, ce dont je les remercie.

 

J'espère que l'on me rappellera. Et de tout coeur vu le bonheur que j'ai eu à travailler au sein de Publihebdos. Je vais y croire dès que le "délai de carence" de deux mois sera passé...

 

Et croyez bien que si ce "miracle" se produisait, comme tout journaliste qui respecte la déontologie de son métier, un nouvel article viendrait non pas "rétablir la vérité", puisque celle-là est bien réelle, mais compléter l'information.

 

Merci en tout cas d'avoir lu cette publication qui, je l'espère, reste une exception.

 

Et si jamais elle ne l'est pas, montrez-moi qu'il existe des entreprises qui misent sur la valeur de l'humain, prêtes à m'accueillir et à me faire confiance, une confiance que je leur rendrai !